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EN BREF
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Le secteur de l’aviation, longtemps associé à des rêves et des exploits, doit désormais faire face aux enjeux climatiques croissants. D’une part, certains plaident pour l’aviation verte comme solution, tandis que d’autres dénoncent le flygskam, ou la honte de voyager en avion. Carbone 4 s’efforce d’éclaircir ce débat en examinant les impacts environnementaux de l’aviation selon une approche scientifique et chiffrée.
Ce dialogue se structure autour de plusieurs thématiques, abordant des questions essentielles telles que l’impact des avions sur le climat, les effets hors CO2, et les perspectives futures pour réduire leur empreinte écologique.
L’aviation est souvent perçue comme un mode de transport de rêve, permettant de relier les continents et de faire découvrir de nouvelles cultures. Toutefois, cette industrie est également source de préoccupations environnementales majeures, en raison de son impact sur le climat. Dans cet article, nous allons examiner et défaire les idées reçues sur l’empreinte écologique de l’aviation, en analysant les données disponibles relatives aux émissions de gaz à effet de serre, les effets non liés au CO2, ainsi que les contributions potentielles à la transition vers des modes de transport plus durables.
Liens entre aviation et changement climatique
La part de l’aviation dans les émissions globales de GES
L’aviation commerciale est souvent considérée comme un acteur mineur en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Cependant, les chiffres montrent qu’en 2018, l’aviation représentait 2,6 % des émissions mondiales de GES. Cela peut sembler faible, mais lorsqu’on inclut les effets des émissions autres que le dioxyde de carbone, ce chiffre monte à 5,1 % du réchauffement climatique lié aux activités humaines entre 2000 et 2018. Pour mettre cela en perspective, la combustion du carburant aviation représente environ un milliard de tonnes de CO2 par an, un montant comparable aux émissions totales du Japon, le troisième plus grand émetteur au monde.
Impact individuel des vols aériens
En examinant l’impact des voyages aériens au niveau individuel, on constate qu’un vol aller-retour entre Paris et New York génère près de 1,7 tonne de CO2e par passager, représentant jusqu’à 20 % des émissions annuelles d’un Français moyen. Ce chiffre alarmant souligne que même si l’aviation représente une part restreinte des émissions globales, son impact sur un individu peut être considérable.
Les effets “hors CO2” de l’aviation
En plus des émissions de CO2, l’aviation génère également d’autres effets ayant des conséquences négatives sur le climat. Parmi les plus notables, on retrouve les trainées de condensation, qui peuvent se transformer en nuages cirrus, contribuant à un réchauffement global. Ces nuages agissent en retenant le rayonnement infrarouge émis par la Terre, entraînant une augmentation de la température. Les recherches montrent que l’effet des trainées de condensation peut doubler voire tripler l’impact radiatif de l’aviation par rapport aux seules émissions de CO2.
Le fret aérien et son impact climatique
Analyse des émissions liées au fret aérien
Le fret aérien représente moins de 0,5 % des marchandises transportées en Europe, mais cela équivaut à 10 % des émissions de GES associées au secteur du fret. Comparativement à d’autres modes de transport, l’aviation est 25 fois plus émettrice que le camion et plus de 100 fois que le train. Bien que le fret aérien ait connu une forte croissance, notamment en raison de l’essor du e-commerce, ses émissions continuent de croître, posant des défis supplémentaires en matière de décarbonation.
Les défis du transport de marchandises par avion
Actuellement, 70 % de la capacité de fret est transportée dans les soutes d’avions passagers. Cependant, il existe une tendance négative, avec une augmentation prévue de la nécessité d’achats d’avions cargo, qui sont en général plus émetteurs par tonne transportée. Bien que le fret ait contribué à 15 % des émissions du secteur aérien, il est crucial de le mettre en perspective par rapport au transport de passagers, qui représente 85 % des émissions restantes.
Les effets physiques du changement climatique sur l’aviation
Les aéroports face aux risques climatiques
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’aviation est exposée aux impacts physique du changement climatique. De nombreux aéroports sont situés sur des côtes de faible altitude, ce qui les rend particulièrement vulnérables à l’élévation du niveau de la mer. Actuellement, 269 aéroports sont déjà à risque, et selon les scénarios des experts, ce nombre pourrait atteindre 30 % de plus d’ici 2100 dans un scénario de maintien à 2°C de réchauffement.
Les aléas climatiques et leur impact opérationnel
Les événements climatiques extrêmes, tels que les vagues de chaleur, peuvent également affecter les opérations aériennes. En 2017, une chaleur extrême a cloué au sol plus de 50 avions à Phoenix, illustrant la vulnérabilité actuelle du secteur. Une sensibilisation accrue sur les effets liés à la chaleur ainsi que les futures implications climatiques sur les infrastructures aéroportuaires sont davantage nécessaires pour anticiper et atténuer ces risques.
Les leviers de décarbonation de l’aviation
Réduction de la consommation de carburant
Les compagnies aériennes ont pris conscience que la facture carburant représente une part importante de leurs coûts opérationnels. Grâce à des améliorations technologiques et opérationnelles, la consommation par passager-kilomètre a été divisée par deux entre 1990 et 2018. Toutefois, ce chiffre peut être trompeur : le trafic aérien a été multiplié par 4,6, ce qui a conduit à une augmentation globale des émissions.
CORSIA, l’outil de compensation carbone de l’aviation
Le mécanisme CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation) a été mis en place pour compenser l’augmentation des émissions de CO2 au-dessus d’un niveau de référence. Bien que cela semble être une mesure proactive, les critiques soulignent que cela n’inclut que les émissions supplémentaires et que les pays majoritaires dans le trafic aérien ne participent pas pleinement, compromettant ainsi l’efficacité du système.
Technologies d’avenir : hydrogène et carburants alternatifs
Potentiel de l’hydrogène et de l’énergie électrique
L’hydrogène et les avions électriques sont des pistes susceptibles d’aider l’aviation à atteindre ses objectifs climatiques. Bien que prometteur, le développement de ces technologies se heurte à de nombreux défis techniques, notamment en termes de stockage et d’infrastructure. Les grandes compagnies comme Airbus explorent activement ces options, mais la mise en œuvre à grande échelle dans un délai raisonnable demeure incertaine.
Les SAF : un levier essentiel mais limité
Les carburants alternatifs durables (SAF) permettent de réduire les émissions de GES en remplaçant le kérosène traditionnel. Néanmoins, la production actuelle de SAF reste marginale, représentant moins de 0,01 % des carburants utilisés en aviation en 2018. De plus, la compétition pour les ressources en biomasse entre divers secteurs pose un défi supplémentaire pour une adoption généralisée.
Actions individuelles pour réduire l’impact de l’aviation
Compensation carbone : un outil efficace ?
La compensation carbone via l’achat de crédits peut offrir une certaine forme d’atténuation des émissions, mais elle est souvent critiquée pour ne pas impacter directement les trajets aériens. Les voyageurs soucieux du climat seraient mieux avisés de réduire leur consommation d’avion et d’opter pour des solutions de transport moins polluantes, telles que le train ou le covoiturage.
Choix éclairés : voiture ou avion ?
En comparant les impacts environnementaux des voyages en avion et en voiture, il apparaît que, lorsque les effets hors-CO2 sont considérés, l’aviation émet en moyenne plus de 260 gCO2e/passager.km, contre 196 gCO2e/passager.km pour l’automobile. L’adoption d’alternatives telles que le train pourrait également contribuer à réduire l’empreinte carbone individuelle.
Économie d’énergie et choix de classe de voyage
Le choix de voyager en classe économique plutôt qu’en classe affaires peut également avoir un impact significatif sur l’empreinte carbone au global. Les classes affaires et premières sont souvent moins remplies, résultant en des émissions beaucoup plus élevées par passager. Les consommateurs doivent considérer ces éléments lors de l’évaluation de leurs choix de transport.
La justice sociale dans le débat sur le climat
L’aviation comme mode de transport élitiste
Au niveau mondial, l’avion est un mode de transport à la portée limitée, avec moins de 1 % de la population responsable de plus de 50 % des émissions aériennes. En France, des disparités similaires sont observées, où une majorité des ménages à faibles revenus n’ont pas accès à ces services. Ce constat soulève des questions éthiques sur la manière dont les politiques climatiques pourraient affecter différemment les différentes couches de la société.
Pistes pour un accès équitable au transport aérien
Pour un accès plus équitable à l’aviation, des mesures telles qu’une taxe sur les billets d’avion en fonction des vols fréquents ou un système de quotas de voyages pourraient pourvoir établir un équilibre. De telles politiques aimeraient réduire la charge sur les ménages modestes tout en incitant les plus riches, responsables d’une part disproportionnée des émissions, à limiter leurs voyages.
Régulation des jets privés
Les jets d’affaires clivés soulèvent également des questions de justice sociale, car ils représentent une part infime mais symboliquement importante des émissions du secteur. Il est crucial de trouver un équilibre entre la régulation de ces modes de transport de luxe et la nécessité d’encourager la réduction des voyages parmi le grand public.
Outlook : Un avenir durable pour l’aviation
Une sensibilisation accrue et une responsabilité collective
Des efforts continus sont nécessaires pour sensibiliser le public aux impacts de l’aviation sur le climat. La mise en œuvre de mesures réglementaires et incitatives efficaces par les gouvernements et les acteurs de l’industrie pourrait favoriser une réelle transition vers une aviation durable, ainsi qu’un changement de comportement au niveau individuel et collectif.
Collaborations et innovations technologiques
La collaboration entre gouvernements, entreprises et acteurS de la recherche sera essentielle pour favoriser le développement et l’intégration de technologies durables. L’innovation dans les carburants durables, ainsi que l’amélioration des systèmes de transport en commun, pourrait offrir des alternatives viables à l’aviation traditionnelle.
Engagement international pour relever le défi climatique
Les engagements climatiques à l’échelle internationale seront cruciaux pour la réussite de la transition de l’aviation. Alors que des initiatives comme CORSIA sont déjà en place, il est impératif que des normes plus strictes et inclusives soient adoptées à travers le monde pour garantir une aviation durable et responsable.
Le secteur de l’aviation a longtemps été perçu comme un secteur où l’innovation rime avec durabilité. Pourtant, des chiffres récents révèlent que l’aviation commerciale représente 2,6 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. C’est un chiffre qui devrait susciter la réflexion. Beaucoup pensent que l’empreinte carbone des voyages aérien est négligeable, mais un vol aller-retour Paris-New York peut émettre l’équivalent de 20 % des émissions annuelles d’un·e français·e moyen·ne. Cette réalité souligne l’importance de repenser nos choix de transport.
Les effets des émissions hors-CO2 sont souvent minimisés. En réalité, la formation de trainées de condensation après le passage des avions a pour conséquence un effet réchauffant sur le climat. Ces traînées peuvent évoluer en nuages cirrus, qui piègent la chaleur. Ainsi, des études montrent que doubler l’impact radiatif lié aux GES émis par les avions en tenant compte de ces effets est tout à fait plausible.
Il est également essentiel de considérer le fret aérien dans cette discussion. Bien que représentant moins de 0,5 % des marchandises transportées en Europe, il est responsable d’environ 10 % des émissions associées au fret. L’aviation est 25 fois plus émettrice que le camion et plus de 100 fois que le train ou le bateau, ce qui fait du transport de marchandises par avion un enjeu non négligeable dans la lutte contre le changement climatique.
En ce qui concerne la perception générale de l’aviation comme mode de transport éco-responsable, force est de constater que l’infrastructure aérienne est vulnérable face au changement climatique. 269 aéroports sont déjà à risque de submersion à cause de l’élévation du niveau de la mer. Dans un scénario optimiste, on pourrait voir une augmentation de 30 % de ce nombre d’ici 2100. Cela met en lumière la fragilité du secteur face à une crise environnementale qui dépasse les simples émissions de CO2.
Enfin, la question du développement de nouveaux carburants alternatifs, tels que les Sustainable Aviation Fuels (SAF), est souvent mise en avant comme une solution miracle. Cependant, leur production est actuellement fortement limitée. Les biocarburants représentent seulement 0,01 % des carburants utilisés dans l’aviation en 2018, et leur potentiel de substitution semble encore loin d’atteindre les volumes nécessaires pour impulser une véritable transformation du secteur. Ainsi, la réduction du nombre de vols et l’adoption de moyens de transport moins polluants doivent impérativement entrer en ligne de compte dans les discussions sur la décarbonation de l’aviation.
